Costa Rica

Vivre le quotidien d'un producteur de cacao

Avant de me lancer, il était essentiel pour moi de comprendre d’où venaient les fèves de cacao. D’en apprendre plus sur le métier de producteur, de découvrir les enjeux de leur quotidien. On lit beaucoup de choses sur internet mais ce n’est qu’une partie infime de la réalité et abordée sous un regard pas toujours objectif. J’ai donc voulu le découvrir par moi-même. L’expérience que j’ai pu vivre était courte mais très enrichissante. 


Leticia Moncada m’a accueilli à bras ouverts dans la plantation familiale « Finca la Mona » dans la région d’Upala, au nord du Costa Rica. Tout le monde m’a traité comme une membre de la famille. J’ai partagé leur quotidien en participant aux différentes tâches : cuisiner, nettoyer, attraper les cochonnets pour leur faire une injection de fer, … Mais j’étais principalement là pour le cacao et je n’ai pas été déçue. 


En effet, à peine arrivée à la ferme, Leti m’emmène visiter la plantation. 10 hectares divisés en différentes parcelles et comptant près de 10 000 arbres. Elle m’explique que le terrain appartient à son père depuis des années, elle me montre la cabane où ils vivaient quand elle était petite. Ensuite, elle me raconte que la plantation de cacaoyers de son père a été décimée par la monilia, un champignon parasite qui se développe dans les cabosses et les rendant inutilisables. A l’origine, ils cultivaient essentiellement des criollos natifs de la région. Malheureusement, cette espèce étant particulièrement sensible aux parasites et maladies, ils se sont tournés vers des variétés trinitario, plus résistants et plus productifs. 

Nous poursuivons la balade entre les arbres chargés de cabosses vertes, rouges, jaunes, roses, oranges. Il fait chaud et humide, vraiment très chaud et vraiment très humide. Alors, elle attrape une cabosse verte, légèrement jaunie, la coupe en deux et me la tend. La pulpe est fraîche, acidulée et sucrée, un vrai délice. 


Le surlendemain, nous nous levons à l’aurore, c’est le jour de la récolte. A 6h30, j’ai enfilé mes bottes quand le père de Leti s’approche de moi. Il me noue sa machette à la taille et me souhaite bonne chance pour la récolte. Nous voilà partis, à 4, à l’assaut des arbres. Chacun avec notre machette et notre sachet en plastique, nous nous mettons à ratisser la propriété en cueillant les cabosses mûres. Au début je suis perdue, les cabosses n’ont pas toutes le même cycle de couleurs alors une cabosse rouge sur un arbre n’est pas encore mûre alors qu’une cabosse qui rougit sur un autre est à parfaite maturité. Et puis une fois qu’on a repéré une cabosse mûre, encore faut il la couper à coup de machette, ce que je n’ai jamais fait dans ma vie. Mais heureusement, au bout de 6h, j’ai gagné en aisance et en efficacité. 

L’après-midi, nous rassemblons les petits tas de cabosses en plus gros, moins dispersés, pour nous faciliter la tâche du lendemain : l’écabossage. 


L’écabossage consiste à ouvrir les cabosses et en sortir les fèves enrobées de pulpe. Assis sur des seaux retournés, en proie aux moustiques et autres insectes, dans la chaleur et l’humidité, les conditions ne sont pas forcément les plus agréables. Mais cette joyeuse bande ne se laisse pas découragée et nous rigolons bien aux histoires des uns et des autres. 

Après 5h d’écabossage, nous avons récupéré 350kg de fèves. Elles seront vendues à une entreprise qui se charge de les fermenter, les sécher et les exporter. Leti possédait des bacs de fermentation mais ce n’était pas suffisamment rentable pour elle de le faire directement à la finca. Elle m’explique ensuite comment tout ça se passe mais aussi la réalité, les acheteurs qui ne payent jamais les producteurs, le prix de vente qui permet à peine de payer les personnes qui viennent faire la récolte, … Ces échanges me permettent d’y voir plus clair, de prendre des décisions par rapport au choix de mes fèves et surtout de l’importance d’avoir une démarche éthique avec une vraie relation avec le producteur pour mieux comprendre sa situation. 


Il ne me reste plus beaucoup de temps à la ferme. Néanmoins, ils me proposent d’en apprendre plus. Ils vont m’enseigner à greffer les arbres. C’est une étape délicate mais essentielle dans la sélection des arbres. En effet, le greffage permet de sélectionner une variété productive de cacao et de la faire pousser sur le système racinaire d’un arbre endémique adapté au terroir et donc résistant aux conditions environnementales. Le frère de Leti me montre comment faire et puis me confie le matériel ainsi que les barrettes à greffer et me voilà partie. L’activité est presque méditative, le niveau de concentration est tel que tout s’efface autour, il ne reste que l’arbre et moi. Je passe donc quelques heures à greffer les arbres d’une nouvelle parcelle. 


La semaine touche à sa fin et il est temps pour moi de dire au revoir à Leti et sa famille. Je me sens tellement reconnaissante pour cette expérience et ces échanges. C’est le coeur gros que je monte dans le bus. Mais je reviendrai les voir, j’ai maintenant une famille au Costa Rica. Et puis, j’espère un jour pouvoir faire du chocolat avec les fèves de Leti, mais ça, c’est affaire à suivre.